Dans quel cadre se situe-t-on ?
Une commune avait confié à une société la réalisation de travaux au sein de la maison de la culture, pour un montant de 1 139 620,98 euros. A la suite de retards et de difficultés dans l’exécution des travaux, la société a adressé à la commune une demande de rémunération complémentaire.
En retour, la commune lui a notifié deux projets de décomptes généraux du marché. La société a contesté ces projets de décompte en adressant à la commune une lettre exposant les motifs de sa contestation qui faisait référence à un premier courrier antérieurement adressé à la commune, mais qui n’était pas joint à cet envoi.
La commune n’ayant pas donné suite à la dernière lettre de la société, celle-ci a saisi le tribunal administratif.
Quel est le problème et que dit le droit ?
L’article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) alors applicables aux marchés publics de travaux impose un formalisme précis lorsqu’un différend naît entre l’acheteur public et la société titulaire du marché : celui du mémoire en réclamation.
« 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d’œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d’œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif ».
L’article 55.1.1. du nouveau CCAG reprend des exigences similaires.
Il en résulte que le mémoire de réclamation doit :
1/ contenir les motifs du différend, les montants de la réclamation et leurs justifications,
et 2/ reprendre toutes les réclamations formulées avant la notification du décompte général qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif.
Or ici, la société avait exposé un des motifs de sa contestation par référence à un courrier antérieur qui n’était pas joint à son envoi.
Les exigences susvisées du CCAG peuvent-elles être regardées comme respectées ?
La solution retenue par le Conseil d’État
Non, la société n’a pas respecté les exigences du CCAG. Elle aurait dû soit reprendre dans sa lettre, la contestation effectuée auparavant, soit joindre cette contestation à sa lettre.
Le Conseil d’État rappelle ici que « un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens du 1.1 de l’article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux que s’il comporte l’énoncé d’un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d’une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d’autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. 2) Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d’œuvre sans le joindre à son mémoire ».
Les conséquences sont sérieuses et immédiates pour la société : la société n’a pas valablement formé de réclamation. Son recours est donc irrecevable et elle ne pourra pas percevoir la rémunération complémentaire qu’elle espérait.
Cette jurisprudence n’est pas nouvelle et ne fait que confirmer que les entreprises doivent être extrêmement vigilantes : lorsqu’elles souhaitent demander le paiement d’une somme d’argent à une personne publique au titre de l’exécution d’un marché, elles ne peuvent pas se borner à faire référence à une lettre adressée antérieurement…. Il faut la joindre à nouveau. Sinon, il n’y aura pas de réclamation valable….et pas de chances d’obtenir indemnisation.
Sources visées :
CE 27 septembre 2021 n° 442455
Arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux
Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux