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Une commune peut-elle remplacer un agent, avant le recrutement d’un nouvel agent qui le remplacera, en faisant appel à une société privée via un marché public ?

Les faits de l’espèce

Une commune a conclu un contrat avec une société de consulting confiant à cette dernière une mission d’assistance de transition portant sur la période du 13 janvier au 1er avril 2014 (avec possibilité de prorogation jusqu’à fin avril 2014), en vue d’accompagner la commune ” après le départ de sa secrétaire générale et avant le recrutement du ou de la future secrétaire général(e) “. 

Un litige lié au règlement financier du contrat est ensuite né entre la commune et la société.

La problématique

En principe, les emplois civils permanents de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires (article 3 du statut général de la fonction publique, loi n° 83-634 du 13 juillet 1983).

Le statut de la fonction publique territoriale prévoit toutefois des dérogations à ce principe, et autorise le recrutement d’agent contractuels dans des cas bien précis. 

Ainsi :

  • afin de répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires (article 3-1 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984).

Ces contrats sont à durée déterminée et renouvelés si besoin, par décision expresse, dans la limite de la durée de l’absence du fonctionnaire. 

  • pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Sa durée peut être prolongée, dans la limite d’une durée totale de deux ans, lorsque la procédure de recrutement pour pourvoir l’emploi par un fonctionnaire n’a pu aboutir (article 3-2). 
  • des agents contractuels peuvent être recrutés de manière permanente dans divers cas précisément énumérés à l’article 3-3 (lorsqu’il n’existe pas de cadre d’emplois de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu’aucun fonctionnaire n’ait pu être recruté ; pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants …”. 

Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d’une durée maximale de trois ans. 

Or en l’espèce, la commune, confrontée au départ de sa secrétaire de mairie, n’avait pas recruté d’agent contractuel, mais avait décidé de confier à la société une ” mission de transition ” pour la gestion quotidienne de la collectivité consistant à ” suivre les dossiers en cours (urbanisme, travaux…) / manager l’équipe administrative et technique de la mairie / clôturer le compte administratif et préparer le budget primitif 2014 / répondre à toute demande relative au fonctionnement de la mairie (…) “. Par un marché public.

Ces missions étaient confiées à la société pour la période allant du 13 janvier 2014 au mois d’avril 2014, mais en réalité, la convention a été prorogée jusqu’au 30 juin 2014. 

La Cour estime qu'”il résulte ainsi clairement de l’énoncé des prestations confiées à la Société … par la commune … que cette société se voyait attribuer, pendant la vacance de l’emploi correspondant, les missions administratives du secrétaire de la mairie. S’il était loisible à la commune, notamment en application des dispositions citées ci-dessus de l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, de confier à un agent contractuel et pour une durée limitée les fonctions de secrétaire de mairie, emploi permanent au sens des dispositions de l’article 1er de la même loi, aucune disposition législative ou réglementaire ne permettait à la commune de déroger au principe selon lequel ses emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires ou, dans les cas définis par les articles 3-1 et suivants de la loi du 26 janvier 1984, par des agents contractuels et ne lui permettait donc de confier les missions relevant d’un de ses emplois permanents à une société par le biais d’un marché public. La convention conclue le 11 janvier 2014 entre la commune … et la Société … a dans ces conditions, par elle-même, un objet illicite et doit en conséquence être écartée“. 

En clair : une commune ne peut pas, pour faire face au départ de sa secrétaire de mairie, faire appel à une société privée par le biais d’un marché public. Elle doit recruter un agent contractuel.

Le marché public conclu doit être écarté car il a un objet illicite. La commune a droit au remboursement des sommes qu’elle a pu verser à la société en exécution de ce marché

Source :

CAA de NANTES, 4ème chambre, 29/10/2021 n°20NT02088

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044272679?init=true&page=1&query=20NT02088&searchField=ALL&tab_selection=all