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Dès lors qu’un emploi vacant peut être pourvu par un candidat statutaire, le recrutement d’un agent non titulaire sur ce poste est en principe illégal

Textes et principes applicables

L’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, aujourd’hui codifié à l’article L311-1 du code général de la fonction publique,

” Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l’exception de ceux réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l’ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut “. 

Aux termes de l’article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (article L332-8 du code susvisé) : 

” Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d’agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles (…) “. 

L’article 3-2 de cette même loi dispose : 

” Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an (…) “.


La CAA de Paris rappelle qu’il résulte de ces textes,

“que le recrutement d’un agent non titulaire pour occuper un emploi permanent n’est possible que pour assurer le remplacement momentané d’un titulaire indisponible ou pour faire face temporairement à la vacance d’un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu par un candidat statutaire. Par suite, dès lors qu’un emploi vacant peut être pourvu par un candidat statutaire, le recrutement d’un agent non titulaire sur ce poste est en principe illégal. Il n’en va autrement que si la collectivité établit que l’emploi concerné ne correspond pas au grade du ou des candidats statutaires”. 

Espèce

Mme A… s’est portée candidate à deux postes au conservatoire de Cachan pour la rentrée scolaire 2014, au poste d’éveil-initiation musicale proposé aux rentrées 2014 et 2015 par le conservatoire de Gentilly ainsi qu’à un poste proposé au sein du conservatoire du Kremlin-Bicêtre pour la rentrée scolaire 2015. 

Ses candidatures n’ont toutefois pas été retenues et des agents contractuels ont été recrutés sur chacun de ces postes.

Mme A… a donc présenté une demande préalable d’indemnisation à l’établissement public territorial Grand Orly Val de Bièvre. Une décision implicite de rejet étant née du silence gardé par l’administration, Mme A… a demandé au Tribunal administratif de Melun la condamnation de l’établissement public territorial à lui verser la somme de 35 000 euros au titre des préjudices subis du fait de ces nominations intervenues à son détriment et qu’elle estime illégales. 

Par un jugement du 25 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l’établissement public territorial Grand Orly Val de Bièvre à verser à Mme A… la somme de 27 000 euros et en mettant à la charge de cet établissement une somme de  1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

L’établissement public territorial Grand Orly Val de Bièvre a relevé appel de ce jugement.

Devant la Cour, l’établissement public territorial Grand Orly Val de Bièvre invoquait “l’inadéquation du profil de Mme A… avec les postes concernés“.

Une telle justification n’a pas convaincu la Cour, pour laquelle, ce faisant, l’établissement public territorial “n’établit ni même n’allègue [que les postes] ne correspondaient pas à son grade. Dans ces conditions, il ne résulte pas que l’établissement public ait été dans l’impossibilité de pourvoir aux emplois précités proposés par les conservatoires du Kremlin Bicêtre, de Cachan et de Gentilly par la nomination d’un agent titulaireen l’occurrence Mme A…. Par suite, ces emplois ne pouvaient légalement être confiés, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 3-2 de la loi du 9 janvier 1984, à un agent contractuel. Il suit de là que l’établissement public a méconnu les dispositions précitées de l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 et a ainsi commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité“.

Mme A… réclamait l’indemnisation du préjudice résultant pour elle du fait de ne pas avoir pu bénéficier de la rémunération afférente à l’un de ces trois postes et qui lui aurait permis de cotiser pour la retraite à la CNRACL.

La Cour a tenu compte des perspectives de service de la requérante avant sa mise à la retraite, et a confirmé l’appréciation faite par les premiers juges de l’ensemble des préjudices financiers subis (somme globale de 25 000 euros). La Cour a également reconnu le préjudice moral de l’agent, ” du fait de l’illégalité des décisions de recrutement d’agents contractuels et du fait de l’attitude de l’établissement public territorial dans la gestion de ses candidatures” (2 000 euros). 

Source : 

CAA de PARIS, 6ème chambre, 22/03/2022, n°20PA02259 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045455028