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Sur la rédaction de la clause permettant au titulaire de résilier le marché en cas d’inexécution du contrat par l’administration

Rappel des règles applicables

L’exception d’inexécution ne trouve pas à s’appliquer en matière administrative (sauf cas de force majeure). Dès lors, même si la personne publique ne respecte pas ce qu’elle doit faire en exécution du contrat, son cocontractant doit en principe continuer à l’exécuter.

Le Conseil d’État a toutefois admis que, dans un contrat administratif n’ayant pas pour objet l’exécution du service public, les parties pouvaient se mettre d’accord pour insérer au marché une clause autorisant le cocontractant de la personne publique à résilier unilatéralement le contrat, sous certaines conditions, dans le cas où cette dernière méconnaît ses obligations contractuelles (CE 8 octobre 2014 n° 370644).

A noter que dans ce cas, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat.

Espèce

La commune de Rians et la société CM-CIC Leasing Solutions (ex GE Capital Equipement Finance), ont conclu le 24 juillet 2014 un contrat de location financière de huit photocopieurs sans maintenance intégrée, pour un montant de 80 802,52 euros toutes taxes comprises, acquis auprès du fournisseur tiers, la société Var Solution Document (VSD), contre paiement d’un loyer trimestriel de 4 553,98 euros toutes taxes comprises. 

La commune de Rians s’est acquittée des loyers trimestriels dus à la société GE Capital Equipement Finance au titre de cette location jusqu’à l’échéance du 1er janvier 2015 puis a cessé de s’acquitter des loyers à compter du 2ème trimestre de l’année 2015 en faisant état de difficultés d’exécution du contrat de maintenance des photocopieurs conclu avec une société tierce, la société CRV. Par ailleurs, la commune de Rians a informé la société GE Capital Equipement Finance que seuls cinq des huit photocopieurs prévus au contrat de location avaient été effectivement livrés. 

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par la commune de Rians le 8 décembre 2015, la société GE Capital Equipement Finance a résilié le contrat en litige, en appliquant l’article 11.1 du contrat de location, qui prévoyait que : 

” Le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur, sans adresser de mise en demeure ou accomplir de formalité judicaire, en cas d’inexécution d’une seule des conditions de la location, notamment en cas de non-paiement d’un seul loyer, disparition ou diminution des garanties et sûretés consenties, (…). “. 

Aux termes de l’article 11.2 du contrat de location : ” La résiliation entraine l’obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel en un lieu désigné par le bailleur, aux conditions prévues aux articles 5.1 et 12. A défaut, le bailleur peut faire enlever le matériel (…) “. 

Aux termes de l’article 11.3 du contrat de location : ” (…) Le bailleur se réserve également la faculté d’exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues à la date de restitution effective du matériel, le paiement : (. . .) – en cas de location : a) en réparation du préjudice subi, d’une indemnité de résiliation égale au montant total des loyers hors taxes postérieurs à la résiliation, et b) pour assurer la bonne exécution du contrat, d’une pénalité égale à 10 % de l’indemnité de résiliation“.

La clause permettait donc à la société CM-CIC Leasing Solutions de résilier le contrat en raison de l’absence de paiement des loyers par la commune de Rians. 

La Cour censure cette clause, en estimant qu’elle est contraire aux règles susvisées rappelées par le Conseil d’État, car elle ne prévoit pas que la personne publique puisse s’opposer à la résiliation pour un motif d’intérêt général :

Toutefois, le contrat n’ayant assorti ces stipulations permettant la résiliation unilatérale du marché par son titulaire d’aucune clause soumettant l’intervention d’une telle décision à l’obligation de mettre à même la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, l’article 11 du contrat méconnaît les règles rappelées au point 10 ci-dessus. Eu égard à l’importance du principe excluant que le cocontractant d’une personne publique se prévale d’une exception d’inexécution pour mettre fin à l’exécution de ses obligations, notamment au regard du principe de continuité du service public, les stipulations de l’article 11 du contrat sont entachées sur ce point d’un vice d’une particulière gravité et doivent dès lors être écartées

Source

CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 21 février 2022, 19MA05674 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045206255?page=1&pageSize=10&query=Commune+de+Rians&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat