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(Très longs) Délais de paiement dans le secteur public hospitalier et marchés publics de produits de santé

L’observatoire des délais de paiement a remis en juillet dernier son rapport annuel 2024.

On constate dans le secteur public hospitalier un délai de paiement moyen dépassant le délai réglementaire de 50 jours, et dépassant même le délai de paiement moyen de la crise COVID :

« Au 31 décembre 2024, le délai de paiement moyen des établissements publics de santé (EPS) connaît une augmentation de 3,4 % par rapport à l’année 2023 et s’élève à 63,4 jours. Ce résultat demeure non seulement supérieur au délai réglementaire de 50 jours, mais aussi au niveau de 2020 (55,1 jours), à l’époque de la crise sanitaire liée à la Covid-19 ».

Le rapport relève que les établissements publics hospitaliers ultramarins sont encore plus sérieusement concernés par ces retards de paiement, en raison des difficultés structurelles et conjoncturelles, notamment les problèmes récurrents de trésorerie, qu’ils connaissent.

Le rapport relève aussi que plus les recettes des EPS sont élevées, plus leurs délais de paiement s’allongent.

Cette situation n’est pas nouvelle mais reste particulièrement délicate pour les établissements publics de santé. S’y ajoute le risque juridique lié au retard des paiements des titulaires de marchés publics, non négligeable.

  1. Rappel des droits dont dispose le titulaire d’un marché public en cas de non-paiement de sa facture

Les établissements publics de santé, en tant qu’acheteur public, sont tenus de respecter un délai maximal de paiement de 50 jours pour régler les sommes dues au titre d’un marché public (article R. 2192-11 du code de la commande publique).

Étant rappelé que le délai de paiement court à partir de la date de réception de la demande de paiement par l’établissement public de santé (article R. 2192-12 du code de la commande publique). Il s’agit le plus souvent de la date de dépôt de la facture sous Chorus pro (je vous invite ici à vérifier les modalités prévues dans vos marchés).

Le non-respect de ce délai ouvre droit aux intérêts moratoires et indemnité suivants pour le titulaire du marché.

  1. Droit à Intérêts moratoires

Le dépassement du délai de paiement de 50 jours ouvre de plein droit, sans formalité préalable, pour le titulaire du marché, le bénéfice d’intérêts moratoires.

Ceux-ci sont dus à compter du lendemain de l’expiration du délai de paiement jusqu’à la date de mise en paiement du principal (art. R. 2192-32).

Le taux des intérêts moratoires est fixé par l’article R. 2192-31 du code de la commande publique et correspond au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 8 points.

Cela peut donc très sérieusement « alourdir l’ardoise » des établissements publics hospitaliers, ce d’autant plus que le titulaire du marché public ne peut pas renoncer à l’application des principes susvisés…

  1. Indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement

En cas de retard de paiement, le titulaire a droit (de plein droit et sans autre formalité) à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, fixée à 40 € (article D. 2192-35 du code de la commande publique).

Les intérêts moratoires et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement sont payés dans un délai de 45 jours suivant la mise en paiement du principal (article R. 2192-36 du code de la commande publique).

  1. Interdiction absolue de renoncer à ces droits, même par voie de transaction

Pour rappel, en matière de marchés publics, il n’est pas possible de renoncer aux intérêts moratoires (et à l’indemnité forfaitaire susvisée) même par voie d’une transaction entre les parties (CE 17 octobre 2003 n° 249822 ; 18 mai 2021 n°443153 ; 22 juillet 2025 n°494323).

Cette règle a été codifiée à l’article L. 2192-14 du code de la commande publique : « Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite ».

Pour rappel encore, la date de réception de la demande de paiement ne peut faire l’objet d’un accord contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son créancier (article R2192-14 code de la commande publique).

Il est fréquent que les industriels titulaires de marchés publics et les établissements de santé acheteurs concluent des transactions, qui prévoient que l’industriel renonce à réclamer des intérêts moratoires ainsi qu’à toute action relative à l’exécution du contrat.

Ces clauses sont sans effet et réputées non écrites pour le juge administratif, lequel entend ainsi éviter que la personne publique retarde artificiellement le paiement de son cocontractant dans l’attente de la signature d’un éventuel accord. Le but est également que les acheteurs publics fassent preuve de toute la diligence nécessaire pour payer en temps utile les entreprises.

  1. Actions envisageables pour les titulaires de marchés publics de produits de santé

Après demande de règlement ou mise en demeure formulée auprès des établissements publics de santé concernés (dans le respect de la procédure applicable au marché public concerné), le droit au règlement des intérêts moratoires et de l’indemnité forfaitaire pourra être aisément reconnu par le juge des référés provision (juge pouvant accorder rapidement une avance sur une somme due à une personne si sa créance ne paraît pas sérieusement contestable).

Ainsi par exemple, un titulaire d’un marché public d’approvisionnement en médicaments et produits de santé a pu saisir le juge des référés d’une demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire lui verse la somme provisionnelle de 553 131,40 euros correspondant aux seuls intérêts de retard de paiement de ses factures et aux frais de recouvrement. Le CHU avait ici réglé les factures, mais pas les intérêts moratoires ni l’indemnité forfaitaire… Le juge administratif a condamné le CHU à verser à la société concernée la somme provisionnelle de 551 851,40 euros correspondant aux intérêts moratoires dus sur les 32 factures payées tardivement (TA Martinique, 26 mai 2025, n° 2400488).

Les sommes réclamées pourront également faire l’objet d’une demande de capitalisation des intérêts (à compter de la date à laquelle les intérêts moratoires contractuels étaient dus, pour la première fois, pour une année entière, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette première année).

Pour conclure : veillez à ce que vos factures comportent toutes les mentions exigées par les pièces contractuelles ! Sinon, le délai de paiement pourra être interrompu jusqu’à la production des éléments manquants (articles R2192-27 et s. code de la commande publique).

Sources :

Rapport annuel 2024 de l’observatoire des délais de paiement https://www.banque-france.fr/system/files/2025-07/ODP-2024.pdf mis en ligne le 10 juillet 2025

Article L. 2192-14 du code de la commande publique ;

Conclusions Pichon de Vendeuil sous CE 18 mai 2021 n°43153, 443158 ainsi que sous CE 22 juillet 2025 n° 494323

Photo de Joao Viegas sur Unsplash