Une proposition de loi récemment déposée au Sénat vise à sécuriser les marchés publics numériques. Bien qu’elle ne concerne pas directement les produits de santé, cette initiative présente un intérêt majeur pour les industriels du secteur, évoluant dans un domaine éminemment stratégique.
Le constat : protéger les données publiques sensibles
Une dépendance préoccupante
La proposition de loi part d’un constat : la dépendance excessive de l’administration française à des prestataires soumis à des législations étrangères. Ces situations pouvant contraindre à la transmission de données sensibles à des États tiers, sans garanties suffisantes de protection ni même information de leur propriétaire.
La solution proposée
Plutôt que d’exclure de manière générale les opérateurs étrangers – ce qui serait contraire au droit européen -, la proposition mise sur les conditions d’exécution des marchés. Cette solution :
- Respecte le droit européen de la commande publique
- Préserve la non-discrimination entre candidats : elle ne remet pas en cause l’accès des opérateurs économiques étrangers aux marchés publics, mais encadre leur capacité à fournir des solutions respectueuses des exigences de sécurité nationale et de protection des secrets industriels, administratifs ou de défense
- Encadre uniquement les prestations sensibles
Il s’agit de rendre obligatoire l’insertion, dans tous les marchés publics comportant des prestations d’hébergement et de traitement de données publiques en nuage, d’une clause excluant la soumission des prestataires aux lois extraterritoriales étrangères et garantissant que les données concernées soient hébergées et protégées au sein de l’Union européenne.
L’exigence de souveraineté serait inscrite de la manière suivante dans un article du code de la commande publique :
« Pour les marchés comportant des prestations d’hébergement et de traitement de données publiques en nuage, l’acheteur prévoit des conditions d’exécution excluant l’application d’une législation étrangère à portée extraterritoriale de nature à contraindre le titulaire à communiquer ou à transférer ces données à des autorités étrangères, et garantissant l’hébergement de ces données sur le territoire de l’Union européenne dans des conditions assurant leur protection contre toute ingérence par des États tiers ».
Pour ses auteurs, le texte ne remet pas en cause l’accès des opérateurs économiques étrangers aux marchés publics, mais encadre leur capacité à fournir des solutions respectueuses des exigences de sécurité nationale et de protection des secrets industriels, administratifs ou de défense.
L’exigence de souveraineté devrait ainsi favoriser l’émergence et la consolidation de solutions européennes crédibles, renforcera la confiance des collectivités, des administrations et des citoyens, et alignera les choix technologiques publics avec une vision cohérente d’autonomie numérique. Pousser l’État et les collectivités territoriales à adopter un cadre clair et opérationnel pour sécuriser l’hébergement et le traitement des données publiques.
Pourquoi le secteur de la santé doit-il s’y intéresser ?
Des enjeux de souveraineté similaires
Bien que visant le numérique, cette proposition trouve des échos directs dans la santé :
Parallèles évidents :
- Dépendance stratégique : comme le numérique, la santé peut être exposée à des dépendances critiques
- Souveraineté nationale : maintenir un système de santé autonome constitue un impératif de sécurité
Une approche transposable
Cette approche par les conditions d’exécution pourrait facilement s’adapter aux marchés de produits de santé, secteur où la dépendance aux principes actifs fabriqués hors UE par exemple pose des questions similaires de souveraineté. Les établissements publics de santé pourraient ainsi exiger des garanties d’approvisionnement ou de localisation de la production au sein de l’Union européenne.
Un changement de paradigme
Cette évolution marque un changement de paradigme : la commande publique devient un instrument de protection des intérêts nationaux, créant des opportunités pour :
- Valoriser les solutions européennes
- Se différencier par la garantie de souveraineté
- Renforcer la confiance des acheteurs publics
En conclusion, cette proposition témoigne d’une prise de conscience sur les enjeux de souveraineté dans la commande publique. Pour les industriels de la santé, secteur particulièrement stratégique, il s’agit d’une évolution à suivre attentivement car elle pourrait préfigurer des développements similaires.
Source :
DOSSIER LÉGISLATIF, Proposition de loi relative à la sécurisation des marchés publics numériques, https://www.senat.fr/leg/ppl25-008.html