Les faits
Une commune a lancé une consultation en vue de la passation d’un marché public de fournitures, pour une valeur totale estimée à 800 000 euros hors taxes, portant sur l’extension et la maintenance de son système de vidéo-protection urbaine.
La commune retient l’offre de la société Y.
La société S a alors saisi le juge des référés précontractuels en se prévalant notamment du manquement au devoir d’impartialité de l’acheteur public : un assistant à maîtrise d’ouvrage technique (AMO) aurait participé à la procédure de passation, alors que son dirigeant est aussi dirigeant de l’un des fournisseurs de logiciels du groupement attributaire.
Droit applicable
Le conflit d’intérêt est défini par l’article L. 2141-10 du code de la commande publique comme « toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ».
Le principe d’impartialité est un principe général du droit qui s’impose au pouvoir adjudicateur, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence (CE 14 octobre 2015 n° 390968, 391105 ; 25 novembre 2021 n° 454466).
Deux conditions doivent être réunies pour caractériser un manquement au principe d’impartialité :
- d’une part, des circonstances susceptibles de susciter un doute sur l’impartialité d’une personne. Peu importe ici la volonté réelle de la personne et seule compte l’existence ou non d’un doute légitime;
- d’autre part, que cette personne ait participé à la procédure de passation ou ait été susceptible d’avoir une influence sur l’issue de la procédure. Par exemple, la rédaction des documents de la consultation fera courir moins de risques d’influence sur l’issue de la procédure que la participation à l’analyse et l’évaluation des offres.
Application à l’espèce
Le Conseil d’État retient ici que :
- lien d’intérêt entre l’AMO et le fournisseur est très étroit, “puisqu’ils partagent le même dirigeant et, si l’attribution du marché à l’un des candidats représente un avantage suffisamment direct et certain pour le fournisseur, le risque que l’AMO ait influencé le choix de l’attributaire en fonction de ses propres intérêts est suffisamment sérieux pour constituer le doute légitime”.
L’AMO a donc pu être tenté de favoriser le marché qui lui permettra de vendre son produit. Ou on peut à tout le moins le redouter…
- L’AMO a participé activement à toute la procédure de sélection, notamment à l’évaluation des offres. Il a donc été susceptible d’influencer l’issue de la procédure.
Pour les juges : la commune aurait du écarter son AMO dès l’analyse des offres, quand elle a constaté que le dirigeant de son AMO avait un intérêt à ce que l’une des offres l’emporte.
La sanction du juge administratif
La procédure de passation est annulée, mais uniquement à compter du stade de l’analyse des offres. Aucun élément ne permettant de penser que l’AMO aurait écrit le règlement de la consultation et les pièces du marché de façon à favoriser un concurrent.
Sources :
CE Conseil d’État N° 467455, décision du 28 février 2023 http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-02-28/467455
Conclusions Nicolas Labrune http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2023-02-28/467455