Les règles applicables
Les administrations doivent communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande (article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
Le Conseil d’État a toutefois admis que l’administration puisse régulièrement refuser la communication de documents perdus ou détruits (CE,7 novembre 1990 n° 95084 ; 11 décembre 2006 n° 279113). Le juge examine, selon les circonstances de fait et justifications apportées par l’administration, si elle n’a réellement pas été en mesure de retrouver le document sollicité.
Le Conseil d’État avait en outre estimé que l’administration n’avait pas l’obligation de reconstituer les documents détruits (CE 3 juin 1994 n° 144046).
Ces principes sont rappelés dans le présent arrêt :
“Les administrations mentionnées à l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne peuvent s’exonérer de leur obligation d’assurer l’exécution d’une décision de justice annulant une décision de refus de communication de documents administratifs et de celle de communiquer les documents sollicités dans les conditions prévues par cette décision qu’à la condition d’établir l’impossibilité matérielle de communiquer lesdits documents. Pour ce faire, les administrations doivent, d’une part, faire état de ce que des faits postérieurs au jugement ou des faits dont elles ne pouvaient faire état avant son prononcé ont rendu impossible cette communication et, d’autre part, qu’elles ont accompli toutes les diligences nécessaires pour assurer l’exécution de cette décision compte-tenu de la date d’élaboration des documents demandés et de la précision de cette demande”.
La problématique d’espèce était donc la suivante : l’impossibilité matérielle de communiquer les documents litigieux était-elle établie ? ou y avait-il au contraire eu destruction délibérée de documents, après que le juge administratif en avait ordonné la communication ?
Les faits de l’espèce
L’association Nos Amis Les Animaux a demandé à la société Solution Antoine Beaufour, sur le fondement de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration, la communication d’une copie des registres d’entrée et de sortie des animaux ainsi que les registres de leur suivi sanitaire et de santé, détenus par cette société dans le cadre de sa délégation du service public de la fourrière animale, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015.
L’association NALA a saisi le tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à l’annulation de la décision implicite de refus de communication de ces documents. Par un jugement du 11 décembre 2018, le tribunal administratif a annulé cette décision et a enjoint à la société Solution Antoine Beaufour de communiquer les documents à l’association NALA dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.
A la suite de la demande de l’association NALA tendant à l’exécution de ce jugement, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 28 juillet 2020, a prononcé une astreinte de 50 euros par jour à l’encontre de la société Solution Antoine Beaufour si elle ne justifiait pas avoir, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, exécuté le jugement du 11 décembre 2018 en procédant à la communication des documents administratifs demandés ou en justifiant de leur destruction ou de leur versement aux archives. La société Solution Antoine Beaufour s’est pourvue en cassation contre ce jugement.
Les juges de cassation ont relevé que si, pour justifier de l’absence d’exécution du jugement du 11 décembre 2018 qui lui avait été notifié le 19 décembre suivant, la société Solution Antoine Beaufour faisait état de ce qu’elle avait procédé à la destruction des documents sollicités au début du mois de janvier 2019, le tribunal, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, que la société s’était bornée à produire une attestation non circonstanciée de son gérant, a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, qu’elle ne justifiait ni de l’exécution du jugement ni de la destruction des documents demandés.
En effet, la société se bornait à indiquer avoir procédé à la destruction des documents sollicités au début du mois de janvier 2019.
Le principe posé par le Conseil d’État
(Les administrations) “ne peuvent en aucun cas procéder à la destruction délibérée des documents dont le refus de communication a été annulé par le juge administratif, alors même que la réglementation ne leur imposerait plus, à cette date, de les conserver. Si elles ont procédé à une telle destruction après la notification du jugement, elles sont tenues d’accomplir toutes les diligences nécessaires pour les reconstituer, sous réserve d’une charge de travail manifestement disproportionnée, sans préjudice de l’engagement de leur responsabilité“.
Source :
Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 17/03/2022, 452034 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045378440?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat